En imposant l’inscription aux banques et aux établissements financiers les formalités de l’enregistrement, de la déclaration d’activité ou de l’agrément, les lois de 1941 assurent le recensement officiel et, dans une certaine mesure, la protection des entreprises exerçant à titre de profession habituelle une activité bancaire ou financière.
Les institutions prévues à cet effet par la loi du 13 juin 1941 sont de trois sortes :
- les associations professionnelles, groupements de représentation et de défense des intérêts de leurs membres ;
- le Comité permanent des banques chargé de la direction d’ensemble des professions touchant au crédit et au marché financier
- et la Commission de contrôle des banques dont la mission essentielle consiste à veiller à l’application de la réglementation en vigueur.
La loi du 2 décembre 1945 ne change rien au statut des associations professionnelles mais elle modifie de manière importante le rôle et les pouvoirs de la Commission de contrôle des banques. Elle supprime, d’autre part, le Comité permanent des banques qu’elle remplace par un nouvel organisme : le Conseil national du Crédit.
LE CONSEIL NATIONAL DU CREDIT
Composition :
Alors que, dans le cadre de la loi du 13 juin 1941, le Comité permanent des banques était formé par un petit nombre de banquiers et présidé par l’un d’eux, le Conseil national du Crédit (CNC) devient une assemblée composée de trente-huit personnes placée sous la présidence du ministre des Finances et ayant pour vice-président de droit le gouverneur de la Banque de France.
Les membres sont répartis en deux catégories :
- dix-sept d’entre eux représentent les « forces actives du pays »;
- la seconde catégorie compte vingt-et-un membres, fonctionnaires ou représentants des professions bancaires ou boursières. Tous sont nommés par les pouvoirs publics ou désignés en interne en raison des fonctions qu’ils occupent dans les organismes bancaires publics ou semi-publics.
Le ministre ayant délégué ses pouvoirs au gouverneur de la Banque de France, les débats du CNC conservent généralement un caractère plus technique que politique, l’influence de la Banque de France s’affirme peu à peu du fait que son gouverneur assure la continuité des délibérations et que ses services sont chargés de la préparation des séances.
En effet, la constitution du CNC entraîne, au sein de l’Institut d’émission, la création d’un département spécial, la Direction générale du crédit qui, sans être à proprement parler un service du Conseil national du Crédit, a cependant pour mission de préparer et de suivre toutes les questions soumises à son attention.
:
- LES « COMITES » DU CONSEIL NATIONAL DU CREDIT :
Le Conseil national du Crédit est un organisme lourd et complexe dont les réunions ne peuvent être fréquentes. Aussi la loi du 2 décembre 1945 prévoit que les questions de son ressort peuvent être préparées par cinq comités restreints choisis en son sein.
Leur présidence est confiée à des personnalités appartenant aux divers établissements publics ou semi-publics de crédit, particulièrement qualifiées en raison de leur compétence et de leur indépendance à l’égard des intérêts particuliers. Ces comités ont pour fonction essentielle de procéder à un examen préliminaire approfondi des problèmes soumis à l’attention du CNC et de rapporter à l’assemblée plénière le résultat de leurs délibérations.
Le Comité des dépôts reçoit mandat d’élaborer les mesures propres à développer les dépôts en banque ou dans les caisses d’épargne, à combattre la thésaurisation et à répandre l’usage de la monnaie scripturale. Il lui appartient en outre de mettre au point les recommandations que le CNC peut adresser au ministre des Finances en ce domaine.
Le Comité du crédit à court terme est chargé des études sur la politique générale du crédit et sur les interventions financières de l’État en ce qui concerne le marché monétaire ou le marché du court terme. Il consacre plus particulièrement son activité aux problèmes relatifs au financement des ventes à tempérament.
Le Comité du crédit à moyen et long terme étudie les sujets relatifs à la distribution des crédits d’investissement ou de financement des moyens de production par le canal du marché financier, particulièrement le financement de l’équipement industriel ou le crédit à terme différé.
L’un ou l’autre de ces deux derniers comités peut être mis à contribution lorsque le CNC est appelé à « donner son avis sur toutes directives concernant la distribution du crédit », lorsqu’il est consulté sur l’orientation à donner à la politique générale du crédit, en vue notamment du financement du Plan.
Le Comité du commerce extérieur se consacre à l’étude des questions posées par le financement des importations et des exportations par l’assurance-crédit. Ses travaux seront aussi employés à la préparation du décret pris le 1er juin 1946 en vue de la réorganisation du crédit et de l’assurance-crédit au commerce extérieur.
Le Comité des banques et des établissements financiers est chargé de l’inscription des banques, de l’enregistrement des établissements financiers et de la réglementation des conditions de banque. Appelé à être confronté à des questions qui réclament parfois une solution urgente, il a reçu du CNC une délégation de pouvoirs de caractère exceptionnel au terme de laquelle il est habilité à prendre des décisions immédiatement exécutoires. Ses décisions portent notamment sur l’inscription, le classement ou la radiation de banques, sur l’enregistrement ou le retrait d’enregistrement d’établissements financiers, sur l’ouverture ou la fermeture de guichets de banque.
Son existence, restée longtemps dissimulée, est finalement révélée par le décret du 11 janvier 1962.
Cependant, certaines affaires soumises au Comité des banques soulèvent parfois des problèmes de principe que le Conseil national du Crédit doit résoudre en séance plénière. Il en est ainsi, par exemple, de l’enregistrement des établissements spécialisés dans le financement de ventes à tempérament ou de la procédure d’examen des demandes d’ouvertures de guichets.
Conformément aux avis des comités, le CNC a pouvoir de réglementer la technique du crédit et de perfectionner l’organisation des professions soumises à son autorité. Il peut notamment homologuer les modifications apportées au recueil des conditions de banque, définir les règles auxquelles doivent répondre les crédits accordés pour le financement des ventes à tempérament, instituer un système de recensement des risques bancaires, prescrire aux banques l’observation de règles particulières pour la distribution de crédits importants.
La loi du 2 décembre 1945 prévoit d’une part que le Conseil national du crédit reçoive du ministre de l’Économie et des organismes chargés du Plan, toutes les informations nécessaires pour lui permettre d’établir les programmes d’investissement ainsi que les priorités à réserver aux émissions et placements à long terme effectués par appel aux souscriptions publiques. Elle le charge, d’autre part, de contrôler le fonctionnement des organismes de statistique et de renseignements en matière de crédit. Enfin, elle assure les liaisons du CNC avec le ministère des Finances en stipulant que le directeur du Trésor doit assister à toutes ses réunions ainsi qu’à celles des comités.
- ORGANISATION MATERIELLE :
Le Conseil national du Crédit n’a pas d’organisation matérielle propre. La loi ne lui a pas conféré de personnalité morale. La Banque de France abrite ses réunions et prend en charge les dépenses nécessaires à ses travaux car il n’a ni budget, ni services.
Attributions :
Pouvoirs juridictionnels :
Le Conseil national du Crédit, organe réglementaire, est appelé à jouer un rôle juridictionnel. Ainsi, la loi du 17 mai 1946 le constitue en tribunal d’appel pour juger les recours intentés par les banques qui contestent le classement dont elles sont l’objet de la part de la Commission de contrôle des banques. Il est aussi désigné, en vertu de l’article 11 de la loi du 2 décembre 1945, pour arbitrer les litiges qui peuvent survenir entre les banques d’affaires et les commissaires du gouvernement.
Pouvoirs réglementaires :
La loi de 1941 les classe en deux catégories : les décisions de caractère individuel prises à l’égard d’entreprises ou de personnes déterminées ; les décisions de caractère général qui visent l’ensemble, ou une fraction de l’ensemble, des entreprises soumises à l’autorité du Conseil national du crédit.
Les décisions de caractère individuel ont pour objet l’octroi d’une reconnaissance officielle aux entreprises intéressées qui leur permet d’exercer leur activité : inscription, enregistrement, agrément, ou déclaration d’activité. Le CNC est seul compétent en ces matières, de même qu’il est seul apte à prononcer la radiation de l’inscription sur les listes de banques, le retrait d’enregistrement ou d’agrément des établissements financiers. Par ailleurs, le CNC a le droit, en fonction des besoins économiques, de cantonner l’activité des entreprises.
Les décisions de caractère général consistent à fournir aux pouvoirs publics des avis ou des propositions sur un certain nombre de matières au sujet desquelles le Comité permanent des banques pouvait, jusque là, intervenir directement par voie de décision. Ceci, sous réserve toutefois qu’aucune disposition légale n’en ait autrement et clairement décidé.
- ATTRIBUTIONS CONSULTATIVES
Le Conseil national du Crédit participe à l’élaboration de tous les projets ayant pour objet la concentration bancaire et la réduction des frais généraux des banques par l’amélioration de l’organisation et des méthodes. Il propose toutes les mesures utiles pour assurer la garantie des dépôts confiés aux banques et la sécurité de leurs placements. Il étudie la nationalisation des banques qui, par le développement de leurs dépôts ou de leurs affaires, ou par l’extension de leur réseau d’agences sur l’ensemble du territoire, prennent les mêmes caractères que les banques commerciales.
Dans le domaine plus vaste de la politique du crédit et des investissements, le Conseil est consulté sur les interventions financières, directes ou indirectes, de l’État telles que les participations, subventions, avantages fiscaux, garanties de bonne fin, lettres d’agréments, etc.
Il recherche les moyens et techniques qui doivent être employés selon la nature des opérations envisagées. Il est consulté par le ministre de l’Économie sur la politique générale du crédit en vue du financement de la reconstruction et des plans d’importation ou d’exportation. Il donne enfin son avis sur toutes les directives concernant la distribution du crédit et sur toutes les questions qui lui sont soumises par le ministre de l’Économie ou le ministre des Finances.
Moyens d’action :
- DIVERSITE DES MOYENS D’ACTION
L’action du Conseil national du crédit peut prendre différentes formes : avis ou voeux dans les matières proprement consultatives ; recommandations ou décisions toutes les fois qu’il s’adresse à des entreprises ou personnes relevant de son autorité. Les avis ou voeux doivent s’interpréter comme de simples invitations à faire ou à ne pas faire pour la prise de décisions pour lesquelles la loi n’a prévu aucune règle spéciale. Les décisions revêtent, au contraire, un caractère impératif, elles sont assorties de sanctions et assujetties à certaines règles de procédure.
- PROCEDURE EN MATIERE DE DECISIONS
Comme c’était le cas sous le Comité permanent des banques les décisions de caractère individuel doivent recueillir l’avis préalable de l’association professionnelle intéressée pour les décisions concernant l’inscription des banques ou l’enregistrement d’établissements financiers, de même que pour les décisions de radiation.
En ce qui concerne les décisions de caractère général, le CNC peut, de sa propre autorité, passer outre l’avis de l’Association professionnelle des banques s’il s’adresse au ministre pour obtenir son approbation, lequel peut difficilement prendre une position contraire à l’avis exprimé par la majorité du Conseil qu’il préside.
- NOTIFICATION DES DECISIONS
Toutes les décisions du Conseil national du Crédit sont notifiées à la Commission de contrôle des banques qui doit veiller à leur application. Elles le sont en outre aux associations professionnelles intéressées. Enfin, les décisions de caractère individuel sont communiquées aux intéressés qui ont la faculté d’exercer, dans les huit jours de la notification, un recours en annulation devant la Commission de contrôle des banques. Cet appel est suspensif.
Réalisations :
Chaque année, comme la loi de 1945 lui en fait obligation, le CNC établit et publie un rapport comportant, d’une part, un compte-rendu de son activité propre et, d’autre part, une analyse très détaillée de l’évolution qu’ont suivis, au cours de l’année précédente, la monnaie, le crédit et l’épargne.
Les appréciations que le CNC est amené à formuler, à partir des statistiques et des études établies par les services de la Banque de France, apportent aux pouvoirs publics une information utile à la conduite de la politique économique générale.
Les décisions de caractère général du Conseil national du crédit ont permis d’instituer certains éléments :
- déclaration mensuelle à la Banque de France des crédits supérieurs à certains montants accordés en France métropolitaine ;
- obligation faite aux banques de solliciter l’autorisation préalable de la Banque de France avant toute ouverture de crédit supérieure à 10 millions de nouveaux francs ou portant au delà de ce chiffre le total des crédits ouverts à une même entreprise ;
- observation par les banques de la règle dite du « coefficient de trésorerie ».
En outre, le Conseil national du crédit exerce un droit de regard sur le fonctionnement de l’ensemble du système de contrôle du crédit.
Dans l’exercice des pouvoirs de réglementation qu’il détient à l’égard des établissements ressortissant à la profession bancaire, le CNC porte plus particulièrement son attention sur certains problèmes qui, pour être d’ordre essentiellement technique, ne se répercutent pas moins sur les conditions de la distribution du crédit :
- l’action qu’exerce le Conseil, en collaboration avec l’Association professionnelle des banques, dans le domaine des conditions de banque, tend d’abord à l’unification des tarifs ;
- un examen approfondi du réseau des guichets de banque est établi ;
- l’activité des établissements spécialisés dans le financement des ventes à tempérament retient souvent l’attention du Conseil qui a d’abord à définir l’attitude qu’il doit tenir à l’égard des demandes d’enregistrement de nouveaux établissements.