Examens et concours : une courte histoire du recrutement
Lors de sa création le 18 janvier 1800, la Banque de France a dû se montrer opérationnelle très rapidement afin d’être perçue comme une institution de confiance. Pour cela, elle va embaucher, tant pour ses dirigeants que pour ses employés, du personnel auprès de l’administration l’ayant précédée : la Caisse des comptes courants. Jusqu’aux années 1850, le recrutement n'est pas formalisé et l’emploi s’effectue suite à recommandation auprès du Gouverneur, qui choisit lui-même les employés. Face à la recrudescence d’embauche, liée à l’accroissement de ses activités, une réglementation devient nécessaire.
Ainsi, la première circulaire encadrant l’emploi après examen date du 21 décembre 1853. Celle-ci, signée par le Gouverneur, est destinée aux directeurs de succursale : "La bonne composition du personnel de la Banque de France et de ses succursales est la condition la plus essentielle de la régularité des opérations de cette grande institution. La banque n'admet pas de surnuméraires, elle n'a pas le temps de faire des éducations, il faut qu'elle trouve des éducations toutes faites". Ne peuvent être admis aux examens, que les candidats ayant entre 20 et 31 ans (à moins de circonstances exceptionnelles). Il faut également qu’ils aient reçu une bonne éducation, qu'ils sachent l'orthographe, la grammaire, l'arithmétique, qu'ils aient « une belle main » ainsi que l'habitude des écritures commerciales. Une expérience passée de plusieurs années dans une maison de banque, dans les bureaux d'un négociant ou encore dans l'administration d'un établissement industriel est également requise. La Banque ouvre donc des "examens d'aptitude aux emplois de la Banque", qui se tiennent à Paris. Chaque candidat doit se rendre à la Banque centrale pour remplir une feuille indiquant sa situation personnelle, ses antécédents et rédiger une dictée. S'ensuit, un entretien avec le Gouverneur et les Sous-gouverneurs. Parallèlement, une enquête est menée sur la conduite et la moralité des candidats à l’examen. Celle-ci est réalisée par ce qui deviendra le Service des recherches extérieures. Cette nouvelle règlementation est un tournant pour la Banque. L’institution emploie désormais son personnel selon les aptitudes des candidats et non plus en fonction de leur bonne recommandation, même si quelques exceptions vont perdurer. À noter que ces modalités ne valent que pour les employés masculins. À cette période en effet, le recrutement des dames, amorcé à la fin des années 1840, se fait toujours après recommandations auprès du Gouverneur.
Le programme de l’examen du 7 juin 1880, en illustration de ce billet, précise bien que le personnel n’était pas recruté pour un poste en particulier, mais pour être admis « aux emplois de la Banque de France ». Ce dernier comporte une partie écrite et une orale. Les admis sont ensuite rattachés à un des postes vacants. L’avis de la Banque du 18 avril 1883 indique que cet examen devient officiellement concours. À la demande du Secrétariat général, l’information est publiée au journal officiel. L’annonce déclare l'ouverture d'un concours, à Paris et dans les succursales, pour le 27 mai 1883, aux conditions suivantes : les candidats se rendent dans le cabinet du Gouverneur pour consulter le programme d'examen, remplir les formalités de candidature et se rendre compte des conditions d'admission. Il faut notamment justifier d'un stage de minimum 6 mois dans une maison de banque ou de commerce. Sans cela, malgré une réussite au concours, leur candidature sera refusée. Pour les provinciaux, ces renseignements pourront être demandés par correspondance.
Suite à ces premières réglementations, la Banque publie régulièrement de nouvelles décisions et circulaires précisant le processus de recrutement. Ainsi, le statut du personnel de 1911 indique que le personnel de bureaux est recruté via le concours de commis titulaire. Cette même année, deux sessions sont organisées, auxquelles 1 150 candidats participent. Cependant, seulement 110 d’entre eux sont reçus. L'une des épreuves mathématiques sur laquelle les candidats ont composé vous est proposée en lecture. Par ailleurs, l’ensemble des postes de l’institution ne nécessitent pas toujours l’obtention d’un concours. Ceux relatifs à la fabrication des billets demandent une formation spécifique interne. Il en va de même pour les agents de recette, recrutés parmi les auxiliaires ; les agents de service, sélectionnés par décision individuelle, et, toujours à cette date, le recrutement du personnel féminin.
En effet, si les archives témoignent de l’existence d’un premier examen de Dames auxiliaires en 1887, les premiers concours de Dame-Employée datent, eux, de 1919. Entre celui de juillet et celui de septembre 1919, nous comptons 347 inscrites. Parmi elles, 272 seront reçues et 75 seront refusées ou absentes. En 1922, une note précise que, seules les dames titulaires à la journée et les dames employées temporaires, ayant a minima 21 ans et 2 ans d’ancienneté à la Banque, peuvent concourir aux postes de secrétaire et secrétaire comptable. Les concours ont lieu suivant les besoins, à Paris ou dans les succursales. L’examen écrit est composé d’une dictée, d’un tableau de chiffres, d’une épreuve dite « technique » au choix entre trois proposées. Les épreuves orales, quant à elles, se composent d’une interrogation sur une des matières du programme et d’une autre sur la Banque (rôle, organisation de ses opérations, valeurs mobilières et moyens de paiement). Ensuite, les postulantes passent un entretien sur un de ces trois sujets : comptabilité, arithmétique, ou géographie économique et administration de la France. Enfin, chaque candidate suit une visite médicale, assurée par deux médecins agréés. Pour les épreuves passées en succursales, le procès-verbal d’examen (oral et écrit) est transmis au Secrétariat général de la Banque pour correction, examen et classement des candidates. Le jury de l’épreuve écrite est composé du Secrétaire général président, du directeur du personnel ainsi que de deux chefs de service et deux dames principales. Celui de l’oral, de deux agents par centre d’examen (ils sont sélectionnés parmi ceux d’un grade supérieur ou égal à celui de sous-chef de service de la Banque) ainsi que d’une dame principale. Une fois la liste des candidates admises arrêtée, ces dernières sont rattachées, pour deux ans, au poste qui leur est affecté. À l’issue de cette période, elles pourront être maintenues dans leur fonctions que si leurs notes le justifient, et après avis motivé de leur responsable.
Par la suite, en 1927, un nouveau règlement relatif au recrutement précise les modalités du concours de rédacteur. Le personnel de la Banque déjà en poste peut y concourir, s’il justifie d’une ancienneté d’au moins trois ans et répond à une limite d’âge de 35 ans. Dans ce cadre, le postulant est dispensé des conditions d’admission au concours, imposées à l’externe. De plus, il n’est pas possible de postuler plus de trois fois au concours annuel, qui comporte une partie écrite éliminatoire, et une partie orale. Les admis sont nommés par le Gouverneur, dans la limite des postes vacants. Une période d’un an, renouvelable une fois, est requise avant d’être admis à titre définitif. Le concours de 1927 compte 452 participants et 65 seront reçus. Le concours de commis d’ordre requiert les mêmes conditions. Cependant, le personnel déjà titulaire ne peut y prendre part. Ce même règlement spécifie également les dispositions des emplois de l’inspection. Sont admis par concours, les attachés à l’inspection et les inspecteurs de 3ème classe. Les inspecteurs de 2ème classe sont recrutés parmi les 3ème classe et ceux de 1ère classe, parmi ceux de la deuxième, sous conditions. Ces concours comportent eux aussi une partie écrite et orale et il n’est également pas possible d’y participer plus de trois fois.
Au cours des années 1930, d’autres règlements et décisions du Conseil général viennent encore préciser les dispositions d’embauche. Lors de la nomination d’un candidat reçu au concours, ce dernier doit communiquer un extrait de son casier judiciaire et constituer un cautionnement, soit à titre individuel, soit en adhérant à la « Caisse de prévoyance pour le cautionnement des employés titulaires de la Banque de France ». Cela est exigé par le statut du personnel de 1937, qui vient parachever et codifier l’ensemble des textes réglementaires existants, relatifs à la gestion du personnel de la Banque. Lors des débats du Conseil général sur ce statut, est validée la présence d’un représentant du personnel lors des Commissions de concours. Cela, afin d’assurer « qu’il n’y a pas d’arbitraire dans le recrutement des agents de la Banque ». Les notes, les majorations de points pour diplôme et la liste définitive des admis, sont soumises à l’approbation du Gouverneur. De plus, le jury devra majoritairement être composé d’agents de la Banque. Est également formalisé, le recrutement déjà existant, d’agents du Cadre latéral. Ces derniers sont employés à des postes à compétences spécifiques, « qu’il ne serait momentanément pas possible de pourvoir de façon adéquate par la nomination d’agents appartement au personnel de la Banque ». Ces agents sont embauchés pour une durée de 3 ans maximum, au cours desquels, la Banque forme un agent interne qui ainsi, pourvoira au poste vacant. Font partie de ce Cadre latéral, les ingénieurs, architectes, certains employés de la fabrication des billets, du service de contentieux, des études économiques (le 1er cambiste de la Banque notamment) ou encore, ceux du service de l’information et de la documentation. Toutefois, il est important de noter que ce mode de recrutement reste à la marge, et ne dépasse pas 3% des effectifs annuels.
La Direction des ressources humaines dispose d’archives relatives à l’évolution du recrutement. Ces dernières contiennent notamment, deux historiques de statistiques de participation aux concours. Pour le premier, nous constatons qu’entre 1890 et 1938, le concours de Commis titulaire est annuel. Sauf pour les années 1911, 1912 et 1936, où deux concours par an sont ouverts. Sur cette période, le nombre de postulants varie entre 165 (nombre de participants le plus bas, en 1938) et 1722 (nombre de participants le plus haut, en 1919). En regard de quoi, les statistiques de reçus sont comprises entre 4% (pourcentage le plus faible, en 1934) et 48 % (pourcentage le plus fort, en 1919). À noter que, le concours de 1919 étant « simplifié », cette exceptionnelle hausse de concourants et d’admis s’explique. Au total, le concours de Commis titulaire aura rassemblé, entre 1890 et 1938, en moyenne 512 participants par session pour 12% de reçus. La seconde synthèse porte sur le concours de commis titulaire (jusqu’en 1937) et de rédacteur (à partir 1938 jusqu’en 1952). Celle-ci montre qu’entre 1923 et 1952, nous comptons en moyenne, 306 candidats par concours, pour 17,8% d’admis.