L’Accord monétaire européen ou (AME) est signé le 5 août 1955 entre des États membres de l’Organisation européenne de coopération économique (OECE, qui deviendra l’Organisation de coopération et de développement économique ou OCDE en 1961), à savoir : la République fédérale d’Allemagne, l’Autriche, la Belgique, le Danemark, la France, la Grèce, l’Irlande, l’Italie, le Luxembourg, les Pays-Bas, le Portugal, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord (Angleterre, Écosse, Ulster), la Suède, la Suisse et la Turquie. L’Espagne intègre l’AME en 1959.
Lors de l’élaboration de l’AME en 1955, l’objectif immédiat des pays membres est d’assurer sans heurt la transition entre le système de l’Union européenne de paiements (UEP) et les conditions qui résulteraient d’un retour à la convertibilité, de façon à éviter toute difficulté dans leurs relations commerciales et financières. L’AME devait entrer en fonction le jour de la disparition de l’Union européenne des paiements ou UEP, c’est à dire au moment du retour à la convertibilité des principales monnaies européennes. La disparition de l’UEP eut lieu le 28 décembre 1958 et l’AME entra donc en vigueur au début de l’année 1959.
L’Accord monétaire européen a pour objet de hâter la progression vers deux des objectifs essentiels de l’OECE : l’établissement et le maintien d’un multilatéralisme intégral des échanges et la convertibilité des monnaies. Il fournit ainsi un cadre institutionnel qui permet de poursuivre la coopération monétaire et les consultations mutuelles instaurées sous le régime de l’UEP. Il est, à cette fin, destiné à demeurer en vigueur pendant une période indéfinie. Cet accord est toutefois soumis à révision et constitue un instrument souple, susceptible d’être adapté aux variations de la conjoncture économique et financière.
Dans le cadre de l’AME, les pays de l’OECE s’engagent à maintenir les fluctuations de leur monnaies dans des marges modérées et stables et à fournir une garantie de change pour les avoirs officiels détenus dans leur monnaie, ce qui permet au marché des changes de fonctionner dans un climat de confiance. En outre, ces pays s’engagent à s’aider mutuellement dans le cas où ils rencontreraient des difficultés de balance globale des paiements. Ils créent ainsi les conditions financières essentielles propres à assurer l’extension et l’accroissement des échanges de marchandises, de services et de capitaux, tant entre eux qu’avec le reste du monde.
L’accord comporte deux éléments :
- La constitution d’un Fonds européen. Ce Fonds européen a pour objet de fournir aux parties contractantes des crédits pour les aider à faire face à leurs difficultés temporaires de balance globale de paiements, dans le cas où celles-ci mettraient en danger le maintien du niveau de leur libéralisation intra européenne et de faciliter le fonctionnement du Système multilatéral de règlements . La durée de remboursement des crédits ne peut pas excéder deux ans. Le capital du Fonds est de 607,5 millions de dollars US (18,037 issu du capital transféré de l’UEP, 123,53 provenant du solde de la souscription du Trésor américain à l’UEP non encore utilisé et 335,925 issus de la contribution des pays membres ). Cependant, à l’instar des dispositions prises par l’UEP, l’octroi des crédits ne peut être automatique
- La création d’un Système multilatéral de règlements. Le Système multilatéral de règlements, analogue à celui de l’UEP, a pour objet de faciliter le règlement des transactions effectuées dans les monnaies et entre les zones monétaires des parties contractantes, en leur permettant de disposer de moyens de financement temporaires et d’obtenir périodiquement le règlement de leurs créances à des conditions déterminées à l’ avance . Au centre de ce Système multilatéral de règlements, la Banque des règlements internationaux ou BRI sert de banque centrale chargée de transferts publics entre États, en tant qu’agent de l’OECE. Les monnaies étant redevenues convertibles, ce système fut très peu utilisé.
L’exécution de l’Accord est contrôlée par un Comité directeur, constitué par un groupe restreint de sept experts financiers présentés par les pays membres et nommés par le Conseil de l’OECE. Un représentant nommé par le gouvernement des États-Unis d’Amérique, ainsi que le Président du Comité des paiements intra-européens de l’OECE peuvent assister aux séances du Comité directeur de l’AME avec le droit de participer à ses discussions, mais non à ses décisions. Le Comité directeur est chargé de veiller à l’exécution de l’Accord, et à cet effet, exerce tous les pouvoirs qui lui sont délégués par le conseil de l’OECE. Les décisions du Comité directeur sont prises à l’unanimité, et par quatre membres au minimum. En ce qui concerne la représentation de la France à l’AME, le Comité directeur a compté trois vice-présidents de nationalité française : Pierre Calvet de 1959-1961 (Sous-Gouverneur de la Banque de France), Julien Koszul de 1962 à 1964 (Directeur de la Direction générale des services étrangers de la Banque de France) et Marcel Théron de 1965 à 1972 (Directeur de la Direction générale des services étrangers de la Banque de France).
Durant les années de son fonctionnement, les crédits accordés par l’AME ont surtout concerné trois pays : la Grèce, la Turquie et l’Espagne. L’Accord monétaire européen contenait des directives complexes dérivées de celles de l’Union européenne des paiements, mais nettement moins ambitieuses. En pratique, le mécanisme prévu par l’AME ne pouvait jouer qu’un rôle second par rapport à celui des marchés des changes, comme la suite des événements l’a montré. L’absence de problèmes monétaires spécifiquement européens a entraîné une faible activité de l’AME au cours de son existence conduisant à sa disparition en 1972.