Loi du 13 juillet 1965 sur la réforme des régimes matrimoniaux
La loi du 13 juillet 1965 portant réforme des régimes matrimoniaux est une étape majeure de l’émancipation juridique des femmes en France. 20 ans après l’autorisation du droit de vote, les femmes mariées obtiennent ainsi le droit d’ouvrir un compte bancaire sans l’autorisation de leurs maris.
Ce texte fait suite à une série de lois sur les capacités civiles de la femme mariée débutée le 13 juillet 1907 par le vote d’une loi portant sur le libre salaire et la contribution des époux aux charges du ménage. Les femmes gagnant un salaire grâce à une activité professionnelle différente de leurs maris étaient alors autorisées à ouvrir un compte bancaire pour percevoir les bénéfices de cette activité afin de subvenir aux besoins du ménage.
Si la loi du 18 février 1938 accorde aux femmes mariées le plein exercice de leurs capacités civiles, elle ne leur permet pas de gérer librement leurs patrimoines, qui reste restreint aux dispositions du régime matrimonial.
La loi du 22 septembre 1942 sur les effets du mariage quant aux droits et devoirs des époux leur accorde la possibilité de se faire ouvrir, sur seule signature du mari, un compte-courant spécial géré uniquement par elles. La loi du 1er février 1943 relative aux règlements par chèques et virements complète le dispositif. Un avis d’un expert au comité juridique de la Banque du 3 mars 1943 mentionne deux conditions qui doivent être réunies pour l’ouverture de compte : « Il doit être ouvert chez une entreprise qui peut être tirée de chèques ; Il ne peut enregistrer que des dépôts et retraits de fonds en espèces, par chèques ou par virements à l'exclusion de toutes autres opérations. La balance n'en peut être rendue débitrice qu'en verti d'un mandat exprès du mari ». De plus, ce dernier peut s’opposer à l’ouverture de ce type de compte ainsi qu’à la libre disposition par son épouse des fonds déposés.
La circulaire 5782 publiée le 20 juillet 1943 par le Secrétariat général, précise que ces ouvertures de compte feront l’objet d’un accord préalable de la direction du Contentieux si les demandeuses ont obtenu l’aval de leurs époux, peu importe le régime matrimonial. Toutefois, après l’autorisation d’ouverture initiale du mari, le banquier n’a pas à notifier ce dernier sur l’origine des fonds arrivant sur le compte. Cette loi donne aux femmes mariées les mêmes droits que les femmes célibataires majeures en ce qui concerne l’ouverture d’un compte-courant. La circulaire 9557, datée du 10 juillet 1962, précise également que « d'une manière générale, les titulaires de ces comptes ne sauraient évidemment déléguer à des mandataires plus de droits qu'elles n'en possèdent elles-mêmes ; La titulaire d'un compte ouvert pour les besoins du ménage ne peut, sauf accord de son mari, constituer d'autre mandataire que celui-ci, puisque c'est en vertu d'un mandat tacite de ce dernier qu'elle a pu obtenir l'ouverture d'un compte de dépôts de fonds ».
Si les avancées sont notables, il n’en demeure pas moins que les droits des femmes mariées restent encore soumis sur de nombreux points aux dispositions en matière de régime matrimonial. Au début des années 1960, alors que le taux d’emploi des femmes augmente et que la société se modernise faisant une part plus importante aux idées progressistes, les débats sur les pouvoirs respectifs entre époux sont relancés. Ils se concrétisent par la loi du 13 juillet 1965 portant réforme des régimes matrimoniaux. Elle définit le régime de la communauté légale qui s’apparente « à celui de la séparation de biens avec société d'acquêts, étant précisé que, sous ce régime comme sous le régime nouveau de la communauté conventionnelle, chaque époux est réputé avoir l'administration, la jouissance et la libre disposition de ses propres biens ». En vue de son application le 1er février 1966, le Secrétariat général publie le 28 janvier précédent une circulaire sur cette réforme importante. Cette note confirme que les femmes mariées peuvent désormais, sans l’autorisation de leurs époux :
- Ouvrir un compte de dépôt de fonds
- Déposer en compte-titres des valeurs au porteur
- Affecter en garantie d’avances, éventuellement de compte mixte ou d'escompte, soit à son profit, soit au profit de son mari ou d'un tiers de toutes valeurs au porteur
- Louer un compartiment de coffre-fort
- Constituer des dépôts de valeurs au porteur en garantie d’échange immédiat de billets fractionnés
- Réaliser diverses opérations de guichet (paiements de coupons, négociations de bons du Trésor, opérations sur titres, remboursement de valeurs amorties, achat, vente, arbitrage, souscription…)
Une autre circulaire, publiée le 2 décembre 1966 précise aux agents que, désormais, ils pourront « autoriser une femme mariée à réaliser des opérations de guichet (dépôt en compte-titres, encaissement, négociation…) portant non seulement sur des titres au porteur mais aussi sur des certificats nominatifs immatriculés à son nom, sans avoir à exiger de justification concernant son régime matrimonial ou l'origine des valeurs, à moins que l'immatricule ne contienne une indication mettant obstacle à la libre aliénation des titres. ». Ainsi, le mariage d’une cliente « n'entraîne plus le blocage de ses avoirs » même s’il est demandé aux agents de saisir la direction du Contentieux si la cliente exprime le désir de voir figurer son régime matrimonial ou si le mari s’oppose au transfert.
Cette loi, importante pour l’émancipation bancaire de la femme mariée, reste toutefois encore insuffisante et n’accorde pas une complète égalité entre époux. Le mari est toujours reconnu comme le chef de famille ayant notamment autorité sur les enfants et dispose seul du droit de gérer les biens de la communauté du mariage. De nouveaux textes seront encore nécessaires pour supprimer notamment la qualité de chef de famille du mari.
Pour illustrer cet article, nous vous proposons une rare photographie issue de nos fonds représentant une femme seule aux guichets de la Banque. Datée d’avril 1971, cette photographie a été prise au comptoir de la succursale d’Alès. Nous ne connaissons pas les circonstances de cette prise de vue.