Jacques Delors et le rapport sur l'union économique et monétaire dans la Communauté européenne (avril 1989)
Le comité Delors est composé des gouverneurs des banques centrales des pays de la Communauté économique européenne et de trois personnalités : Alexandre Lamfalussy, directeur général de la Banque des règlements internationaux, Niels Thygesen, professeur d’économie à Copenhague et Miguel Boyer, président de la Banco exterior de Espana. Le rapport Delors rappelle trois conditions requises figurant dans le rapport Werner de 1970 visant à l’établissement d’une Union économique et monétaire : d’abord en réalisant l'union monétaire nécessitant la convertibilité totale et irréversible des monnaies ; la libération complète des mouvements de capitaux et l’intégration complète des marchés bancaires et marchés financiers et, enfin, l’élimination des marges de fluctuation et l’irrévocabilité des parités des monnaies. Si l'adoption d'une monnaie unique est souhaitée, elle n’est pas jugée « strictement nécessaire ».
L’union économique doit se traduire par la réunion de quatre éléments : un marché unique dans lequel circulent librement les personnes, les biens, les services et les capitaux ; une politique de concurrence visant à renforcer les mécanismes du marché ; des politiques communes favorisant l’ajustement structurel et le développement régional. Enfin, une coordination de la politique macro-économique devra comprendre des règles contraignantes en matière budgétaire.
Du point de vue institutionnel, la responsabilité de la politique monétaire unique doit relever d’une nouvelle institution : une banque centrale européenne. Les banques centrales nationales et la banque centrale européenne seraient insérées dans un Système européen de banques centrales (SEBC) fonctionnant selon un schéma fédéral. Le rapport Werner évoquait « un centre de décision pour la politique économique » mais le rapport Delors n’évoque pas d’institution spécifique pour gouverner le volet économique.
Le rapport Delors préconise également trois étapes pour parvenir à cette union économique et monétaire.
La première étape consiste en l’achèvement du marché unique, dans la coordination renforcée des politiques économiques et de la coopération monétaire et dans l’adhésion de toutes les monnaies au mécanisme de change du Système monétaire européen (SME). Un traité d’Union Économique et Monétaire (UEM) doit être négocié et ratifié durant cette phase.
Ce traité d’UEM ouvre la deuxième phase. Durant celle-ci, le SEBC et la structure de base de l'UEM sont mis en place. L'encadrement de la conduite de la politique économique, s’en être contraignant, se précise. Via le SEBC, la coordination des politiques monétaires est accrue ; le réalignement des parités des monnaies sera restreint aux cas exceptionnels (il y’en avait eu 11 entre 1979 et 1987). Les marges de fluctuation des monnaies sont enfin progressivement réduites.
Avec la troisième étape envisagée s’opère le transfert de toutes les compétences économiques et monétaires aux institutions de l’Union et le passage irrévocable à des parités fixes. Une monnaie unique remplacerait les monnaies nationales. D’un point de vue économique, les politiques structurelles et régionales sont renforcées, les règles et procédures dans les domaines macroéconomiques et budgétaires deviennent contraignantes. La Communauté se dote d'une forme unifiée de représentation sur la scène internationale. Sur le volet monétaire, le SEBC définit et conduit une politique monétaire unique, opère sur les marchés des changes en conformité avec la politique de change de la Communauté. Il participe à la coordination des politiques de surveillance bancaire.
Intégrée au sein d'un processus continu, la réalisation d'une étape ouvre la voie à la suivante sous réserve d'une évaluation par le Conseil notamment sur le degré de convergence économique et monétaire atteint. La décision d’engager la première étape – que le comité propose de fixer à la date d'entrée en vigueur de la directive libérant les mouvements de capitaux (1er juillet 1990) - doit être une décision d'engager tout le processus jusqu'à son terme.
Celle-ci est prise lors de la réunion du Conseil européen des 26 et 27 juin 1989 à Madrid et la date de démarrage de la 1ère étape confirmée au 1er juillet 1990.
Le document illustrant ce billet n’est autre que l’exemplaire du rapport annoté de la main de Philippe Lagayette (directeur de Cabinet de Jacques Delors de 1981 à 1984 ; second puis premier Sous-Gouverneur de la Banque entre 1984 et 1992) qui a ajouté Rapport Delors sur sa couverture. Les archives de la Banque de France conservent bien entendu de nombreux autres dossiers se rapportant aux travaux du Comité Delors, aux contributions du Gouverneur de Larosière, ainsi que les analyses des services internes. Le versement 1489200704 consacré à l’Union économique et monétaire disponible en ligne en atteste.