L’hôtel de Toulouse, écrin de la Galerie dorée, et le « nouvel immeuble », inauguré en 1950 et qui abrite la Souterraine, sont les deux bâtiments emblématiques du siège de la Banque de France. Il en est pourtant un troisième, l’immeuble Crétin, du nom de son architecte, dont le public ne connait bien souvent que son fronton qui a illustré de nombreuses publications de la Banque de France. À l’occasion des Journées européennes du Patrimoine, c’est cet immeuble que nous avons souhaité sortir de l’ombre en vous présentant son histoire et ses éléments les plus remarquables.
1. Une banque à l’étroit dans l’hôtel de Toulouse
En entrant dans la seconde moitié du XIXe siècle, la Banque de France est à l’étroit dans l’hôtel de Toulouse qu’elle occupe depuis 1808 et dans les quelques extensions qu’elle a pu construire autour. Elle fait alors face à un accroissement de ses activités et donc de son personnel. De 1847 à 1853, le Conseil général se préoccupe avant tout de la consolidation de l’hôtel de Toulouse et on procède dans le même temps à quelques agrandissements limités.
En 1857, le Conseil général est disposé à étudier un programme assez vaste mais, devant le coût des travaux dont l’estimation est supérieure à un million de francs, il reporte le projet. En 1862, il n’est plus possible d’ajourner plus longtemps l’extension.
2. Un programme complexe
L’extension de l’immeuble n’est pas d’une réalisation facile. Elle soulève, en effet, la question de l’élargissement des rues Neuve-des Bons-Enfants et Baillif décidé par le conseil municipal de la ville de Paris. Il faut s’entendre avec le préfet Haussmann et c’est à quoi tendent les démarches faites dès le début de l’année 1862. Après des discussions difficiles et un refus initial de modifier le plan d’alignement arrêté, le baron Haussmann propose une solution visant à dégager la ceinture de maisons qui entoure la Banque et le Palais-Royal et à reporter plus au sud le tracé de la rue Baillif.
Le 22 janvier 1863, le Conseil général approuve l’idée de l’extension vers le sud. La forte résistance du voisinage, un conflit avec la ville de Paris et les remaniements successifs du projet immobilier retardent toutefois le début des travaux. Devant les membres du Conseil général, réunis en séance le 1er mars 1865, est exposé le programme définitif dont le « principal caractère est d’établir les services les plus en rapport avec le public à l’intérieur d’un vaste terrain à surface intérieure vitrée ayant sa base sur la rue Croix-des-Petits-Champs et son grand côté sur la rue Baillif ». Fin mai 1865, le projet est enfin présenté à M. Questel, architecte des bâtiments civils de la ville de Paris, qui l’approuve. L’adjudication des travaux pour sélectionner les entreprises est lancée dans la foulée et les travaux peuvent enfin débuter. Ils s’achèveront 8 ans plus tard.
3. Un bâtiment austère mais avec des éléments remarquables
Une architecture régulière d’esprit néo-classique marque le caractère relativement austère de la nouvelle construction. Son plan est un trapèze composé de corps de bâtiments ayant rez-de-chaussée, deux étages carrés et combles, disposés autour de trois cours dont deux sont couvertes en verrière au premier niveau. Il est délimité au nord par l’hôtel de Toulouse, à l’est par la rue Croix-des-Petits-Champs, au sud par la rue Baillif, qui a été déplacée, et à l’ouest par la rue Neuve-des-Bons-Enfants. On accède à la Banque par une entrée monumentale dans l’axe de la rue Coquillière. Elle conduit dans une cour équipée d’une simple marquise courant en continu le long des murs. Le visiteur rejoint alors une cour vitrée dans laquelle il est invité à attendre en fonction des heures d’ouverture et de la fréquentation des différents services. Une troisième cour, la plus grande et vitrée également, héberge la galerie des recettes dans laquelle les agents perçoivent les règlements d’effets à échéance. La première cour sera également dotée d’une verrière complète en remplacement des marquises quelques années après. À 25 mètres de hauteur, cette verrière offre une superficie de près de 500 m2. C’est la seule qui subsiste aujourd’hui, les deux autres verrières ayant été remplacées par des couvertures modernes. L’édification de ces cours vitrées suit une tendance amorcée à la fin des années 1840 et qui se poursuivra jusqu’au début du siècle suivant, notamment dans les sièges sociaux des grandes banques commerciales et dans les grandes enseignes et galeries commerçantes.
L’avant-corps du porche de la rue Croix-des-Petits-Champs est pourvu d’une ornementation relevée et constitue un autre élément exceptionnel de cet immeuble. L’architecte Charles Auguste Questel, qui prend la succession de Gabriel Crétin en 1866, fait appel au plus célèbre décorateur du Second Empire, Albert Carrier-Belleuse, pour parachever ce morceau d’architecture. L’allégorie de la Sagesse et de la Fortune, devise de la Banque de France, ainsi que les vertus cardinales de la vigilance et de la prudence sont rappelées sur cette façade. Les clés de voute représentent ainsi les déesses romaines Cérès (la Fortune) et Minerve (la Sagesse). La lampe et le coq désignent la vigilance. La lampe disperse les ténèbres et l’obscurité de la nuit. Le coq est l’oiseau de la lumière et du jour. La prudence est représentée par le miroir et le serpent. Le miroir rappelle ainsi que l’homme prudent ne peut régler sa conduite que par la connaissance de ses défauts alors que le serpent est réputé comme le plus prudent des animaux (Honoré Combe de Prézel, Dictionnaire iconologique, Paris, 1756).