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Cérès et Mercure en quatre couleurs

Maquette du recto du billet 1000 F « type 1927 – Cérès et Mercure », Charles Walhain, peinture sur toile collée sur carton, 1918, 74,5x41 cm, cote A02A-0001
Maquette du verso du billet 1000 F « type 1927 – Cérès et Mercure », Charles Walhain, peinture sur toile collée sur carton, 1918, 74,5x41 cm, cote A02A-0002

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Lors de la séance du Conseil de régence du 7 mai 1918, le Gouverneur soumet à l’approbation des régents un projet de vignette pour un billet de 1000 francs à quatre couleurs. « Les peintures ont été composées par l’artiste Ch. Walhain. Elles représentent : au recto un ensemble décoratif inspiré de l’époque Régence, qui met en valeur deux têtes imposantes : à droite, un « Mercure », à gauche, une « Cérès ». En bas, deux enfants symbolisent : à gauche, la Marine, à droite, l’Agriculture. En bas et au centre, un chapiteau au milieu duquel sera placé l’article 139 du code pénal, symbolise l’Architecture. Au verso, l’ensemble représente une allégorie : une statue de la Fortune dans un temple. De chaque côté se trouvent deux grands savants : à droite, Pasteur, à gauche, Ampère. À côté et un peu plus bas que Pasteur, un ouvrier d’art symbolise l’art manufacturier ; à gauche, le forgeron représente l’Industrie en action. De chaque côté, des médaillons sont ménagés pour les filigranes. Les deux peintures sont exécutées en quatre couleurs : bleu foncé, violet, terre d’ombre, bleu clair». Ce projet de vignette est approuvé par les régents sans que sa mise en fabrication ne soit immédiatement lancée.

Le Conseil de régence est alerté le 10 février 1927 des conclusions d’une enquête conduite à Budapest relative à une contrefaçon du billet de 1000 francs type 1889 en circulation. Le rapport d’enquête éclaire sur la très grande qualité des deux pierres lithographiques qui ont été saisies en Hongrie. Après les avoir rapatriées à Paris, les services de la Fabrication des billets de la Banque de France ont en effet procédé immédiatement à des tests et obtenu un tirage sur papier permettant de confirmer la perfection du travail accompli par les faussaires. Le comité des Billets, par la voix de son rapporteur Émile Pluchet, s’inquiète devant le Conseil de régence du grave danger qui pourrait résulter de l’existence de clichés ayant pu être réalisés par les contrefacteurs avant la saisie des pierres. Le comité des Billets recommande donc d’envisager, dès maintenant, la mise en fabrication d’un nouveau type de billet de 1000 francs mieux garanti contre la contrefaçon. Il propose alors la vignette de Charles Walhain validée en mai 1918. Le Conseil approuve cette proposition et autorise son émission dans le courant du second semestre de l’année 1927. Le billet ne sera finalement mis en circulation qu’en janvier 1929 en raison de difficultés techniques. Il est privé du cours légal le 2 juin 1945 dans le cadre de l’échange monétaire visant à débusquer notamment les profiteurs de guerre.

Ce billet préfigure les options stylistiques ultérieures avec la représentation de personnages illustres et des métiers mettant en avant les différentes forces de la France. Si la composition générale du billet émis est fidèle à la maquette de l’artiste présentée ici, le billet s’écarte sur le plan chromatique du projet de l’artiste. Le projet du verso notamment est baigné par les nuances prononcées de bleu et de violet alors que le billet définitif comporte des couleurs beaucoup plus pales et, de fait, moins contrastées afin de déjouer la reproduction photographique. Les dimensions de la maquette (74x41 cm) ont permis à Charles Walhain une plus grande finesse des détails qui n’ont pu être repris dans le billet émis.